Appel de 1860

 

 

 

Ecoutez l'Appel

ISRAÉLITES !

Si, dispersés sur tous les points de la terre et mêlés aux nations, vous demeurez, attachés de cœur à l'antique religion de vos pères, quelque faible d'ailleurs que soit le lien qui vous retienne ;
Si vous ne reniez pas votre foi, si vous ne cachez pas votre culte, si vous ne rougissez pas d'une qualification qui ne pèse qu'aux âmes faibles ;
Si vous détestez les préjugés dont nous souffrons encore, les reproches qu'on généralise, les mensonges qu'on répète, les calomnies qu'on fomente, les dénis de justice qu'on tolère, les persécutions qu'on justifie ou qu'on excuse ;
Si vous croyez que la plus ancienne et  la plus simple des religions spiritualistes doit garder sa place, remplir sa mission, proclamer son droit,manifester sa vitalité dans le grand mouvement d'idées toujours plus actif, dans la lutte de théories toujours plus ardente des sociétés modernes ;
Si vous croyez que l'idée sublime et le culte rigoureux d'un Dieu unique dont nous sommes les antiques dépositaires et les obstinés défenseurs, doivent être préservés plus que jamais des calculs intéressés ou des atteintes du doute et de l'indifférence ;
Si vous croyez que la liberté de conscience, cette vie de l'âme, n'est nulle part mieux sauvegardée pour tous les hommes que dans les Etats où les juifs l'ont tout entière ;
Si vous croyez que la foi de ses ancêtres est pour chacun un patrimoine sacré, que le foyer, que la conscience sont inviolables, qu'il ne faut plus revoir ce qu'on a vu trop récemment encore ;
Si vous croyez que l'union est un bien, que, partageant des nationalités différentes, vous pouvez cependant mettre encore en commun, en dehors de tous les partis, vos sentiments, vos désirs et vos espérances ;
Si vous croyez que, par les voies légales, par l'invincible puissance du droit et de la raison, sans causer aucun trouble, sans effrayer aucun pouvoir, sans soulever d'autres colères que celles de l'ignorance, de la mauvaise foi et du fanatisme, vous pouvez obtenir beaucoup pour rendre beaucoup en retour par votre travail et votre intelligence incontestée ;
Si vous croyez qu'un grand nombre de vos coreligionnaires, encore accablés par vingt siècles demisère, d'outrages et de proscriptions, peuvent retrouver leur dignité d'hommes, conquérir leur dignité de citoyens ;
Si vous croyez qu'il faut moraliser ceux qui sont corrompus, et non les condamner, éclairer ceux qui sont aveuglés, et non les délaisser, relever ceux qui sont abattus, et non se contenter de les plaindre; défendre ceux qui sont calomniés, et non se taire; secourir partout ceux qui sont persécutés, et ne pas seulement crier à la persécution ;
Si vous croyez que des ressources aujourd'hui disséminées, des travaux isolés, des influences sans portée suffisante, des volontés sans direction, des aspirations sans objet défini, peuvent trouver par l'association un emploi meilleur, et faire sentir l'action de tous à tous les coins du globe ;
Si vous croyez que ce serait un honneur pour votre religion, une leçon pour les peuples, un progrès pour l'humanité, un triomphe pour la vérité et pour la raison universelles, de voir se concentrer toutes les forces vives du judaïsme, petit par le nombre, grand par l'amour et la volonté du bien ;
Si vous croyez enfin que l'influence des principes de 89 est toute-puissante dans le monde, que la loi qui en découle est une loi de justice, qu'il est à souhaiter que partout son esprit pénètre, et que l'exemple des peuples qui jouissent de l'égalité absolue des cultes est une force ;
Si vous croyez toutes ces choses, israélites du monde entier, venez, écoutez notre appel, accordez-nous votre adhésion, votre concours; l'œuvre est grande et bénie peut-être:

Nous fondons l'Alliance Israélite universelle !

 

Les Membres de la Commission Provisoire d'Organisation :

Astruc (Aristide), rabbin-adjoint à M. le grand rabbin de Paris, rue Lamartine, 27, à Paris.
Cahen (Isidore), ancien élève de l'École normale, professeur au Séminaire rabbinique, 16, rue du Parc-Royal, à Paris.
Carvallo (Jules), ancien élève de l'École polytechnique, ingénieur des ponts et chaussées, 37, rue Neuve-des-Mathurins, à Paris.
Leven (Narcisse), avocat à la Cour impériale de Paris, 5, rue Saint-Hippolyte, à Paris.
Manuel (Eugène), ancien élève de l'École normale, professeur agrégé de l'Université, 45, rue du Rocher, à Paris.
Netter (Charles), négociant, membre du Comité de la Société de Patronage des apprentis israélites de Paris, 10, rue Vendôme, à Paris.

 

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