Le film « Va, vis et deviens », le troisième réalisé par ce cinéaste français, d’origine roumaine, ne déroge pas à la règle puisqu’il s’agit d’une vaste réflexion sur l’exil, thématique qui imprègne toute l’œuvre de Radu Mihaileanu. Il explique que son film est le premier à traiter des Beta Israël, terme qui, précise-t-il, est bien plus juste que Falasha qui signifie en éthiopien « exilé » et est très péjoratif. En effet, lorsqu’en 1984, beaucoup d’Africains souffrant de famine, se réfugient dans des camps au Soudan, Israël et les Etats-Unis mènent une vaste campagne pour amener des milliers de Juifs éthiopiens en Israël. La première opération s’appellera « Moïse », la seconde qui a lieu dans les années 90, « Salomon ».

Radu Mihaileanu s’est intéressé à cette communauté depuis qu’à Los Angeles en 2001, à un dîner pour la promotion de son film « Train de vie » avec beaucoup de célébrités, il se trouve assis à la table d’un jeune noir lui affirmant « je suis juif et israélien ». Une discussion, qui a duré toute la nuit, a suivi. Puis, après de nombreuses lectures, une semaine sur le judaïsme éthiopien organisé par le MAHJ, il a été révolté que si peu de gens soit au courant de leurs épreuves.
Radu Mihaileanu se voit comme un passeur et a donc fait de très nombreuses rencontres en Israël, avec tous ceux qui ont œuvré en faveur de cette immigration. La préparation du film a duré 5 ans tant l’opération « Moïse » de 1984 était complexe et sujette à des témoignages contradictoires. Et c’est ainsi qu’est née l’idée du film : une mère chrétienne qui, pour le sauver de la famine, de la misère et de la mort, force son jeune fils de neuf ans à se déclarer juif. Il arrivera en Israël et déclaré orphelin, sera adopté par une famille franco-israélienne de Tel Aviv. Il va se construire et grandir avec la peur que son secret et son mensonge ne soient découverts : lui qui n’est ni juif, ni orphelin, seulement noir.

Le réalisateur a longuement réfléchi afin de savoir comment rendre compte de la vie dans ces camps de réfugiés avec les épreuves qu’ils ont tous traversées, sans tomber dans le misérabilisme. C’est pourquoi il a décidé de filmer le regard des mères, le prisme qui lui a paru le plus juste. Le casting concernant les trois acteurs qui incarneraient Shlomo, le héros du film, au cours de trois périodes de sa vie, qui a pris cinq mois est une histoire en tant que tel. En effet, ils se devaient de parler les trois langues : le français, mais aussi l’éthiopien et l’hébreu. Le plus âgé s’occupait des deux plus jeunes. A la fin, les plus jeunes finissaient par imiter l’adolescent, plus âgé.

Shlomo va découvrir l’amour, la culture occidentale, le judaïsme mais aussi souffrir du racisme, de la guerre qui menace Israël.
Porté par d’excellents acteurs dont Yaël Abécassis, Roschdy Zem et Moshé Agazai, grâce à son succès, le film a permis de présenter au grand public l’histoire si lourde et si particulière des Juifs d’Ethiopie.
Nombreux étaient les adolescents, élèves de l’école Georges Leven qui ont assisté à cette projection et dialogué avec Radu Mihaileanu et Samuel Blumenfeld.