Bibliothèque
Une longue histoire parallèlement à l’essor du réseau scolaire,la bibliothèque a suivi son propre développement. D’abord installée à l’étroit rue de Trévise, dans la salle des séances du comité central, elle s’établit dans les locaux de l’Ecole normale israélite orientale, rue Michel-Ange, où un bâtiment spécifique lui est consacré en 1904.
C’est en 1937 que la bibliothèque se fixe rue La Bruyère, avec une salle de lecture et des magasins de livres modernes qui lui permettent, déjà, d’augmenter sa fréquentation. printemps 1940, peu après la chute de Paris, les nazis investissent l’immeuble de l’Alliance, déménageant sept cents caisses de livres, d’archives, de manuscrits et de périodiques pour les expédier jusqu’à leur Institut de recherche sur la question juive de Francfort-sur-le-Main. |
Là se constitue, pendant que les nazis perpétuent leurs massacres systématiques, une fantastique collection de livres juifs pillés aux quatre coins de l’Europe.
A la Libération, les troupes américaines regroupent à Offenbach tous les livres, objets précieux et documents volés par les nazis, et les bibliothèques européennes récupèrent une partie de leurs biens.Parmi les livres de l’Alliance revenus d’Allemagne, nombreux sont ceux qui portent, tel un indélébile tatouage, le tampon de l’Institut allemand .
Les années qui suivent la guerre sont témoind’un patient travail de reconstitution du fonds et des catalogues. Le renouveau des études juives en France et le succès grandissant de la bibliothèque mènent au projet d’agrandissement, qui se concrétise en 1989.
Un patrimoine exceptionnel
Tout au long de son histoire, la bibliothèque de l’Alliance s’est développée suivant trois axes : l’acquisition de pièces remarquables du patrimoine littéraire hébraïque la constitution d’un fonds d’érudition réunissant les oeuvres des meilleurs rabbins et universitaires dans tous les domaines des études juives ; et enfin la collecte des documents intéressant la vie quotidienne et l’histoire des différentes communautés juives.
C’est parmi les tenants des Sciences du judaïsme en France que se recrutent les premiers responsables de la bibliothèque de l’Alliance. Isidore Loeb (1839-1892) et Israël Lévi (1856-1936) sont les artisans patients et inspirés de la constitution du fonds, ouvrant la voie à leurs successeurs : le grand rabbin Julien Weill (1873-1950), Isidore Lévy, professeur au Collège de France (1871-1954), Abraham Back, professeur à l’école rabbinique (1878-1947), Jacob Gordin, philosophe (1896-1947), Edmond-Maurice Lévy, conservateur honoraire de la bibliothèque des Arts et Métiers (1878-1974), Colette Baer, Jeanine Harburger, Georges Weill, Yvonne Lévyne, Jean-Claude Kuperminc. Dans le domaine patrimonial, ils repèrent et acquièrent la quasi totalité des imprimés à thèmes juifs disponibles en Europe, ce qui explique la présence dans le fonds d’innombrables éditions des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, en français, latin et hébreu surtout. Les éditions de la Bible, en hébreu ou en différentes traductions, ainsi que de ses commentaires hébraïques, forment le cœur de cette partie des collections. On y trouve aussi des éditions du Talmud et des diverses codifications du judaïsme.
De très nombreuses réponses, consultations rabbiniques répondant à des questions sur l’évolution de la loi religieuse, se trouvent également dans le fonds.Les Hebraïca, ces livres imprimés en caractères hébraïques, qui regroupent également de nombreux livres de prières, dont certains rituels illustrés de Pâque très rares, comptent parmi les pièces maîtresses de la bibliothèque de l’Alliance.
Grâce à la générosité de donateurs, comme L.M. Rothschild , riche juif d’origine danoise qui finança la bibliothèque dès 1867, et aussi grâce à des dons et legs remarquables,l’Alliance israélite universelle s’est dotée d’une des plus belles collections de manuscrits hébreux en France. L’acquisition de la collection du grand érudit Samuel David Luzzato, au tournant du siècle, et divers ajouts d’origine inconnue, ont permis de réunir quelques-uns des plus exceptionnels manuscrits hébreux enluminés. Quelques contrats de mariage (ketoubot) du XVIIIe siècle apportent un témoignage sur une forme d’art plus populaire.
Une autre collection exceptionnelle est celle des 4000 fragments de la Guéniza du Caire, confiée depuis le début du XXe siècle à l’Alliance par le Consistoire israélite de Paris. A l’instar d’une quinzaine d’autres bibliothèques de par le monde, dont celles de l’Université de Cambridge, la Bodléienne d’Oxford ou celle de Saint Petersbourg, l’Alliance a l’honneur de conserver ces morceaux épars d’écritures hébraïques ou arabes provenant de la vieille synagogue du Caire, où ils avaient été entreposés depuis le Moyen Age avant d’être découverts par le savant Salomon Schechter en 1897.
Un des fonds les plus précieux, contenant à la fois des livres et des brochures en hébreu et en caractères latins, est celui résultant du legs du grand rabbin de France Zadoc Kahn.Les centaines de brochures et les tirés à part qui entrent dans sa composition sont pour la plupart introuvables ailleurs.
Les textes érudits des auteurs des Sciences du judaïsme du XIXe siècle, et de leurs successeurs au XXe siècle constituent l’autre point fort de la bibliothèque. En allemand ou en français pour la plupart, ces livres et ces périodiques rédigés par des savants pionniers comme Léopold Zunz, Abraham Geiger ou Moritz Steinschneider et leurs collègues français, ainsi que ceux des grands universitaires comme les Darmesteter, les Reinach, et tant d’autres, sont regroupés à l’Alliance pour permettre aux chercheurs d’aujourd’hui de se reporter aux sources du savoir contemporain.
Un centre international de recherche
Etudes historiques, traductions, éditions de textes, bibliographies de cette époque sont encore des instruments de travail inégalés pour les études juives. Bien entendu, la bibliothèque s’efforce aujourd’hui d’acquérir les principaux livres des savants de cette fin du XXe siècle, dont les définitions des Sciences du judaïsme ont renouvelé les apports de leurs aînés. Les ouvrages, en majorité originaires des Etats-Unis ou d’Israël, sont bien souvent inaccessibles dans d’autres bibliothèques françaises.
>Troisième volet du patrimoine de la bibliothèque de l’Alliance, les documents concernant la vie quotidienne et l’histoire des juifs représentent une source exceptionnelle pour les historiens. Le destin des juifs de France est particulièrement bien illustré, avec par exemple, disponibles dans la salle de lecture, les collections complètes de L’Univers Israélite et des Archives Israélites. Ces deux périodiques français couvrant un siècle, de 1840 à 1940, constituent une mine inégalée d’informations sur les juifs de France et leurs réactions aux bouleversements de cette période clé, qui voit l’intégration des juifs à la nation française se fragiliser. Après 1945, l’adaptation des juifs de France aux conséquences du génocide, à la reconstruction de la communauté, puis à l’arrivée massive des juifs d’Afrique du Nord dans les années 1960, sont parmi les sujets d’étude de très nombreux étudiants.
Les archives
Enfin, un élément unique du patrimoine de la bibliothèque est constitué par les archives de l’Alliance israélite universelle de 1860 à 1940, qui sont la source de tant de thèses et d’ouvrages parus dans le monde entier. Ces archives renseignent non seulement sur l’histoire de l’Alliance et de ses écoles dans les différents pays, mais aussi sur la vie juive traditionnelle des ghettos d’Orient et des mellahs d’Afrique du nord, sur l’antisémitisme et les rapports avec les populations non juives, sur les rivalités des grandes puissances coloniales et sur l’évolution des mœurs dans les pays en question.
Aujourd’hui, la bibliothèque reste fidèle à ses missions d’accroissement du fonds, de conservation du patrimoine et de communication des collections. Il était inévitable qu’elle se sente concernée par la révolution informatique. C’est chose faite depuis 1996, avec la mise en service du logiciel ALEPH, qui permet d’effectuer l’ensemble de la gestion de la bibliothèque et de cataloguer les documents hébreux dans leur langue. La consultation de catalogues d’autres bibliothèques en France et à l’étranger depuis la rue La Bruyère est déjà une réalité et la mise à disposition pour nos lecteurs des technologies multimédia (cédéroms, Internet) est au programme des futures extensions.
Bibliothèque patrimoniale, bibliothèque spécialisée largement ouverte sur un public varié, bibliothèque universitaire pour tous les étudiants en études juives, jouissant d’une indiscutable réputation internationale, la bibliothèque de l’Alliance israélite universelle poursuit sa mission d’enraciner la présence juive dans le patrimoine national.
Fonds spéciaux
• Fonds Marianne Harburger Médecine hébraïque et juive).
• Fonds Georges Vajda (philosophie juive en Islam).
• Fonds Jacob Gordin (philosophie juive germanique et russe).
• Fonds Pierre Haïat (poésie juive).
• Bibliothèque juive contemporaine (juifs d’URSS de 1969 à 1989).
• Fonds Jacqueline Genot-Bismuth.
• Fonds Yitzak Zohar
• Fonds Marc Knobel
• Fonds Zadoc Kahn.
Conservation des documents à la bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle
- Qu’est ce que la conservation des documents ?
Conserver des documents (livres, archives, objets), c’est leur assurer une durée de vie maximale. Ils doivent être rangés dans les conditions optimales. Il faut aussi veiller à ce qu’ils soient bien manipulés, afin qu’ils ne soient pas détériorés de manière précoce. Ceci concerne autant les manipulations pour la consultation que pour un transport.
- Précautions de manipulation des documents
Pour consulter des documents (livres et archives), il existe quelques règles à respecter pour permettre à ceux-ci d’avoir une plus grande durée de vie. Un guide est à disposition à la Bibliothèque et donné à chaque nouveau lecteur.
- Les facteurs de dégradation des documents
Les documents se dégradent souvent à cause de leur manipulation, mais aussi à cause de leur constitution ou de leurs conditions de rangement. L’altération est un processus, provoqué par certaines conditions. Ce sont souvent des phénomènes complexes. |
- Altérations physiques (papier, parchemin, cuir)
Cela concerne le mécanisme des matériaux, tel que les déchirures, les déformations, la perte de résistance mécanique (tout ceci peut être causé par de mauvaises manipulations, un rangement inapproprié…)
-Altérations chimiques
Ce sont les altérations de la structure interne d’un matériau. Pour un papier, cela peut être par exemple le jaunissement qui trahit une acidification. Elle est causée par la présence de lignine (composant du bois).
-Altérations biologiques
Ce sont des dégradations causées par une infestation de micro-organismes. Ils sont présents sous formes de spores dans l’atmosphère et se développent généralement quand l’atmosphère est humide.
- Les conditions thermo-hygrométriques
Ces conditions sont primordiales pour permettre une bonne conservation des documents. En fonction du type de documents, ces conditions "idéales" ne sont pas les mêmes, ce qui complique le travail du technicien de conservation.
Pour les livres et les archives : la température idéale est d’environ 18 à 20°C, le taux d’humidité relative doit se situer entre 50 et 60%. En dessous de 50%, les matériaux risquent de se dessécher, et au dessus de 60%, le risque de développement des micro-organismes est accentué.
Pour les photographies : la température doit se situer entre 2 et 20°C et le taux d’humidité relative doit être compris entre 20 et 50% selon les matériaux constitutifs des photographies (plaques de verre, de cuivre, papier).
- Le dépoussiérage, comment ? pourquoi ?
C’est une opération essentielle dans le travail de conservation des documents. En effet, la poussière est abrasive pour les matériaux et contient des spores de micro-organismes. Il faut donc nettoyer régulièrement les locaux, et dépoussiérer les livres ainsi que les étagères.
Pour cela, il faut utiliser un aspirateur à filtre absolu pour éviter les rejets de particules. Il existe aussi des gommes diverses pour enlever les traces de poussière. Pour nettoyer les étagères, l’idéal est d’utiliser un mélange d’eau et d’éthanol, l’alcool permettant d’éliminer les éventuels résidus de spores.
- La fabrication de pochettes 4 rabats
Il existe différents formats standards de pochettes chez les fournisseurs. Cependant, il peut être intéressant d’en créer sur mesure, pour certains documents qui ont par exemple un format très particulier ou qui sont très fragiles. Elles sont conçues en papier permanent (pH basique, alpha cellulose, très peu de composants du bois).
- Le cirage des cuirs
Les cuirs ont tendance à se dessécher naturellement. La solution est de les cirer régulièrement. Cela les nourrit, les fait briller légèrement et leur rend leur souplesse. Nous utilisons une cire élaborée par la Bibliothèque Nationale de France. Elle contient un fongicide. Cette opération régulière est importante afin que les reliures en cuir soient manipulables le plus longtemps possible.
- Les conséquences de la lumière naturelle/artificielle sur les matériaux
La lumière est un facteur important de dégradation des documents. C’est un rayonnement émis par un corps à haute température (soleil) ou excité (luminescence). La lumière se distingue en trois parties : La lumière visible : ce qui est visible à l’œil nu, entre 400 et 700 nanomètres. Elle se mesure en Lux (nm) |
Plus la longueur d’onde est faible, plus elle est énergétique.
Les documents ayant souffert d’une exposition prolongée à la lumière présentent un dessèchement des matériaux, une décoloration ou encore un jaunissement prématuré du papier. La bibliothèque a donc installé des rideaux dans ses magasins afin de supprimer toute lumière naturelle. Seuls les néons émettent une lumière, etils ne sont allumés qu’au moment où une personne est présente. Pour toutes informations complémentaires, vous pouvez joindre Amélie Le Ray, responsable de la conservation pour la bibliothèque :
amelie.le-ray[at]aiu.org